La disparition de Renato Casaro marque la fin d’une ère glorieuse où l’illustration d’affiche vivait sa plus grande flamboyance. Né en 1935 en Italie, Casaro fut à la fois un magicien du pinceau et un conteur visuel hors pair, dont les œuvres ont habillé les sorties cinéma des années 1970 à 1990 d’une aura indélébile.

Que l’on pense aux fresques héroïques de Conan le Barbare, aux sagas épiques de Rambo ou aux westerns crépusculaires, il insufflait à chaque œuvre une énergie narrative quasi mythologique.
Les début entre précision académique et puissance narrative
Renato Casaro débuta sa carrière d’illustrateur dans les années 1950, au sortir de l’Italie d’après-guerre, un contexte où le cinéma populaire connaissait une explosion créative. Très tôt, il se fit remarquer par son talent pour traduire en images l’essence même des histoires, mêlant rigueur technique et sens dramatique aigu. Ses premières commandes, souvent pour des films d’aventure ou de western, lui permirent de forger son style unique, alliant précision académique et puissance narrative.


Rapidement, son nom devint synonyme d’affiches grandioses et évocatrices, qui portaient le rêve et la promesse de l’écran bien au-delà du simple support publicitaire. Cette période marqua la naissance d’un artiste destiné à révolutionner l’art du poster de cinéma en lui insufflant une dimension épique et picturale inédite.
La peinture comme épopée
Casaro ne se contentait pas de représenter les héros ou les scènes clés : il composait de véritables fresques épiques, des toiles vivantes où chaque personnage semblait respirer sous le ciel orageux de ses compositions. Chaque détail, du moindre pli d’un manteau flottant à la tension d’un poing serré, était chargé d’un souffle dramatique intense, comme si toute une mythologie secrète vibrait sous la surface. Sa maîtrise souveraine des grands formats conjuguait avec virtuosité un goût rigoureux pour la précision académique et une fougue baroque qui électrisait le moindre trait.

Sa palette oscillait avec une poésie sensorielle entre la chaleur mordorée des couchers de soleil méditerranéens, éclaboussant d’or les muscles tendus des héros, et les glacis d’ombres profondes et mystérieuses, qui creusaient la toile d’un mystère ancien et fascinant. Ce jeu de lumière et de matière donnait à ses affiches une profondeur hypnotique, capturant l’essence même des récits qu’il accompagnait faisant émerger le spectateur au cœur d’une épopée où l’instant fixé contenait la promesse d’un déchaînement d’aventures.

La magie du détail vivant
Chez Casaro, tout se vivait dans le geste, un éclat de lumière tranchant l’acier d’une épée, la courbe tendue et vibrante d’un muscle prêt à bondir, le frémissement léger d’une étoffe balayée par un vent imaginaire. Chaque détail témoignait d’une attention presque tactile, où le mouvement semblait suspendu dans le temps, chargé d’une tension dramatique palpable. Son défi permanent était de capter la quintessence de ce mouvement, l’instant précis où la force brute rencontre l’émotion, transformant ses affiches en véritables théâtres visuels où se jouaient des batailles aussi bien extérieures qu’intérieures.

La virtuosité de son rendu entre précision presque photographique et souffle pictural conjuguée à la vigueur puissante de ses compositions, transformait chaque affiche en un objet d’art singulier. Ces images ne se contentaient pas de vendre un film : elles invitaient à rêver, à plonger dans un univers mythique avant même que le générique ne commence.
Casaro au service des actioners !
Dans les années 80, les affiches de Renato Casaro capturèrent à la perfection l’âge d’or des actioners incarné par Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger. Avec son style épique et grandiose, Casaro transcenda la simple promotion pour transformer chaque affiche en une œuvre qui magnifiait la puissance et le charisme de ces héros d’acier.

Ses compositions dynamiques mettaient en scène Sly et Arny dans des postures iconiques où muscles bandés, regards déterminés et arrière-plans dramatiques fusionnaient pour créer un récit visuel intense avant même que le film ne commence. Grâce à ses couleurs vibrantes et sa précision raffinée, Casaro encapsulait l’énergie brute et le souffle héroïque de cette époque, contribuant à forger l’imaginaire collectif autour de ces figures titanesques et de leurs exploits cinématographiques.

Un fan nommé Tarantino
Un épisode marquant et amusant de la carrière tardive de Renato Casaro fut son engagement pour créer les affiches des faux films de Rick Dalton, le personnage incarné par Leonardo DiCaprio dans Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino. Admirateur fervent de Casaro, Tarantino souhaitait rendre hommage à l’art de l’illustration d’affiche de l’âge d’or du cinéma en sollicitant directement le maître italien. Casaro accepta de réaliser plusieurs affiches originales pour ces films fictifs, donnant vie avec son style flamboyant et détaillé à des titres imaginaires et parfois délirants qui faisaient sens dans l’univers rétro de Tarantino.

Ce cadeau artistique scella une rencontre entre une légende du passé et la culture pop contemporaine, et permit à Casaro de prouver que, même à un âge avancé, son génie pictural restait intact, capable de nourrir les rêves fictifs d’un nouveau public fanatique.
Héritage et dernier souffle du siècle d’or
L’influence de Casaro dépasse largement l’univers du cinéma : ses images ont nourri des générations d’amateurs d’art et de culture pop, inspirant graphistes, illustrateurs et cinéastes. En un temps où la photographie et le numérique prennent le pas, il reste le dernier grand maître d’un style qui célèbre la grandeur, la narration visuelle et l’imaginaire héroïque. Son œuvre traverse les décennies comme un chant d’adieu au romantisme du grand spectacle peint à la main.
Renato Casaro n’a pas seulement habillé des films, il leur a prêté une âme, dessinée au pinceau, qui restera à jamais gravée dans la mémoire collective.
Renato Casaro (1935 – 2025)
www.casaro-renato-art.com